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Espèces Compagnes

Films

En développement

Dans notre société occidentale, la question de nos rapports aux Autres est souvent compliquée et porteuse de débats. Nos relations intra-espèce, avec les autres ethnies, les autres groupes religieux ou avec les supporter.ice.s du club de foot adverse, ne sont pas toujours bienveillantes ou égalitaires. Mais lorsque nous parlons des relations inter-espèces cela devient encore plus conflictuel. L’idée que les autres espèces du vivant puissent établir des relations mutuelles avec nous et influencer notre vie quotidienne nous parait toujours passablement irraisonné. Pourtant cette pensée est un pilier fondateur de plusieurs cultures indigènes notamment en Amazonie, dans le grand Nord ou encore sur le continent africain.

Mais c’est bien ici et maintenant que la question de la relation entre humain.e.s et non-humain.e.s semble bourgeonner et fleurir à plusieurs carrefours de pensées et d’actions : en politique, en philosophie, dans le domaine de la santé, de la spiritualité et j’en passe. Les exemples pleuvent : le droit de nature inscrit dans la constitution équatorienne, la recherche scientifique sur la flore intestinale, les débats amenés par l’anti-spécisme, la question du véganisme, les centaine de milliers de comptes instagram de chiens, de chats, et d’iguanes mais aussi l’engouement pour les plantes d’appartement, les bonzaïs qui se transmettent de générations en générations, les micro-fermes citadines et bien-sûr les ZAD. A chacun de ces endroits se trouve une relation étroite d’échange, d’amour, d’histoire et de contact, entre Nous et des Espèces Compagnes, qu’elles soient animales, bactériennes ou végétales. Penser ces relations comme des conversations réciproques redéfinit notre rapport au Monde et in fine nous redéfinit aussi.

Pendant trop longtemps, en occident, notre anthropocentrisme nous a aveuglé.e.s. Nous, humain.e.s, ne pouvions que voir et comprendre le reste du vivant comme un objet, qu’il fallait soit exploiter, soit protéger. Ce rapport sujet-objet nous excluait du Monde, en nous mettant au centre bien-sûr, mais sans réellement nous y intégrer. En repensant nos relations au vivant comme des conversations, souvent asymétriques certes, mais réciproques, nous nous incluons au Monde. C’est de cette réflexion que nait ce film, avec le désir tout d’abord de comprendre puis d’illustrer ces relations. Grâce aux écrits (entre autre) de Donna Haraway, Bruno Latour, Vinciane Despret, Philippe Descola, Emanuele Coccia, Nastassja Martin, Tim Ingold et Alessandro Pignocchi, le propos du film se veut être tendu sur un fil philosophique. Cependant, ses personnages sont bien humains ET non-humains. Avec ce film, Les Espèces Compagnes et Nous, nous partons à la rencontre d’animaux, d’humain.e.s, de plantes et de bactéries qui tissent entre elleux des rapports commerciaux, transactionnels, d’affection, de co-évolution et de collaboration. Ces rapports créent un véritable tissu social, dont chaque acteur.ice est partie prenante.

Mais comment transmettre à l’écran ces conversations bilatérales dans un langage humainement intelligible quand l’un.e des deux protagonistes ne peut s’exprimer par la parole ? C’est par la poésie, l’onirisme et la musique que cette traduction peut avoir lieu, sans (trop) risquer l’anthropomorphisme. Le film se veut donc oscillant entre interviews et observation poétique, là où les règles sémantiques et physiques sont moins strictes et permettent la transposition des mondes.

Raconter le vivant à travers le vivant, rendre compte des liens qui nous unissent aux Autres, quelles que soit leurs caractéristiques biologiques et leurs langages, tel est le projet du film Les Espèces Compagnes et Nous

Ce projet nécessite un travail de recherche en amont assez important afin de trouver et d’approcher les personnages qui porteront le propos philosophique. La bonne nouvelle, c’est que la Suisse Romande se trouve être riche d’exemples pour converser autour et illustrer ces relations entre nous et nos espèces compagnes. Je pense par exemple au ShanjuLab, et à sa directrice Judith Zagury qui pensent et expérimentent la relation humain-animal notamment à travers l’art scénique. Les différentes universités romandes et l’EPFL regorgent de biologistes, d’ethologues et d’anthropologues qui s’intéressent à ces questions. Les zadistes du Mormont ont donné une voix à une colline, et y ont tissés de relations interespèces lors de leur présence sur les lieux. Notre région accueille également des dizaines d’agriculteur.ice.s bio (voir féeriques) ou encore des personnalités publiques comme Joëlle Chautems, qui redéfinissent notre rapport au végétal.

La recherche et l’écriture de ce film se fait donc sur deux axes. Le premier avec un travail quasi académique de lectures et de recherches pour affiner le propos et écrire un arc narratif et philosophique concret. Le deuxième axe de développement se focalise lui sur la prise de contact avec différents acteur.ice.s humain.e.s qui pourront porter le propos et l’illustrer grâce à leurs propres relations au vivant, à leurs espèces compagnes à elleux.